Jean-Louis est mignon, studieux, bien habillé et surtout plein de fric. Enfin c’est papa qui est plein de fric plutôt. Du coup, pour combler ce côté bourgeois qui le complexe tant, Jean-Louis tente de parler comme un thug, histoire d’être un peu plus hype.

C’était un beau matin ensoleillé. J’étais dans le métro, tranquille perdue dans mes pensées. Ai-je bien éteint mon Babyliss (attention, placement de produit #ouloulou)? Pourquoi les poils pubiens sont-ils boulés? Ils rêvent de quoi les aveugles? Bref, comme d’habitude, mon cerveau faisait des siennes et je m’imaginais tout un tas de trucs bien H.S., les écouteurs aux oreilles et le regard vide. Quand soudain, entre deux sons de Queen B, un gros «wallah frère», me ramène à la réalité. Pas que ce genre de langage me choque, non. Là d’où je viens, c’est une expression parmi tant d’autres. Ce qui m’ a interpellée, c’est la gueule de celui qui a craché ces quelques mots. Car si ce sont plutôt mes compatriotes du 1018 qui sont amateurs de ce type de verbes, celui-ci avait des airs de Jean-Louis, étudiant en HEC…

Comment ai-je su que ce jeune insolent étudiait HEC? Je n’en savais rien du tout en fait. À vrai dire, je l’ai surtout jugé à son polo rose signé Lacoste et son col remonté… Mon pronostic s’est révélé être vrai, puisque s’en est suivi d’un «wesh le cours de droit de l’entreprise, c’est bien à l’amphimax 351, wesh?!»…


Entre nous, si ce fameux «wesh» répété deux fois dans la même phrase fait déjà mal, c’est encore plus douloureux lorsque ce dernier est prononcé par un mec dont la dégaine pourrait se traduire par: «J’habite dans une villa à Saint-Sulpice et papa est avocat».

Euh pardon?

Jusque-là, je reste calme. Mais je ne peux m’empêcher de penser que ce mec est sérieusement complexé… À l’heure où quasi tout le monde écoute du Drake, où la jeunesse insouciante s’exalte devant le genre urbain des présentateurs de Tataki et où l’on parle toujours plus de «street style» dans l’industrie de la mode, c’est clair: la jouer thug-prolo-je-porte-une-casquette-à-l-envers-wesh, c’est cool. On peut pas vous en vouloir d’aspirer à des airs de mecs de la street.

Certes, si se mettre en mode gangst dans les transports en commun et même sur les réseaux sociaux après avoir inscrit «1025 RPZ» sur sa bio Insta (oui, j’ai déjà vu ça, vraiment), c’est bien sympa, il y a d’autres choses qui sont ma foi assez chouettes dans vos lifes, comme par exemple:

1. Bénéficier d’études intégralement payées par papa et maman. Et pas stresser parce que le service cantonal des bourses d’études verse les thunes six mois après le début du semestre.

2. Partir en vacances en famille où tu veux, tranquillou. Et pas devoir te contenter d’un mois au bled tous les étés.

3. Rester chez toi OKLM le week-end. Et ne pas devoir taffer à une caisse de station service en plus de ce que tu fais déjà la semaine, histoire de te faire des thunes.

À l’image d’un blanc qui ne dit pas «negro» au risque de se faire dangereusement refaire le portrait, on ne dit pas «wallah frère» ou autres expressions ghettos quand on est un petit bourgeois des bords du Léman. Car entre nous, on le sait que s’il y a embrouille, c’est grâce aux connaissances en droit de papa que vous allez potentiellement vous sortir de la merde. On a connu plus vénère comme menace.

Et si par hasard la tentation était trop forte, contentez-vous de dire: «Je suis dans mon jacuzzi, t’es dans ta jalousie», là-dessus on est d’accord. Merci bien! Enfin, merci La Fouine surtout…

#ThugLifeTsé